Ce qui est étonnant à la campagne, c'est que tout se sait avec une vitesse prodigieuse. Et lorsque ce matin le voisin est venu me trouver en me saluant par un "c'est vous le parisien ?", je n'étais pas surpris outre mesure.
Le voisin en question, c'est le Mathieu. La particule est importante et ici tout le monde la porte. Le Mathieu, donc est apiculteur, et nous propose de se rendre l'après-midi même faire un tour de ses ruches. C'est avec plaisir que nous acceptons.
Nous partons donc dans un fourgonnette rouge, mon mec sur le siège passager, et moi à l'arrière assis sur une ruche, la chienne sur mes genoux, à travers des routes de campagnes. Un premier arrêt et nous en découvrons une dizaine. Le Mathieu nous fait passer derrière, pour ne pas se retrouver sur le chemin des sentinelles qui gardent les ruches. Et puis nous partons vers un autre coin où le voisin a rassemblé une autre dizaine.
C'est la première fois pour moi que j'en vois de si près, et des abeilles en si grand nombre. C'est assez marrant de les voir faire leurs allers et retours entre les fleurs d'acacias qui nous entourent et leur refuge.
Nouveau départ, cette fois pour le Mas du voisin, où, nous dit-il s'est installé un essaim dans une fenêtre qu'il veut déloger, si nous voulons voir ça. En effet, l'essaim d'abeilles s'est rassemblé entre un volet fermé et une fenêtre, créant des alvéoles et construisant petit à petit leur nid. C'est impressionnant.
Le Mathieu commence par préparer de la fumée, en faisant brûler partiellement de la lavande dans un enfumoir. Puis il s'équipe à l'aide d'une vareuse, ce voile/chapeau qui permet de voir sans se faire piquer. Ensuite, direction le nid, où il entrouvre la fenêtre et diffuse de la fumée qui rend les abeilles plus calmes. Il récupère les rayons d'alvéoles et les dispose sur des cadres qu'il insère dans la ruche. De même il fait entrer le maximum d'abeilles entre les rayonnages préparés à recevoir les futures alvéoles.
Une fois que les abeilles sont dans la ruche, et surtout la reine, le Mathieu la ferme par le dessus. C'est terminé pour aujourd'hui. D'ici quelques heures celles qui sont encore sur les murs descendront se coucher dans la ruche, près de la reine, pour la nuit. Dès demain, elles commenceront leur nouvelle vie dans leur nouvelle demeure toute neuve. Et d'ici quelques jours le Mathieu viendra chercher la ruche et l'amènera (de nuit) près de ses autres.
L'opération était délicate, et le voisin, bien qu'équipé, ne met plus de gants, ce qui lui aura valu deux "petites piqûres, con". C'était très impressionnant d'assister à ça, et je ne sais pas si j'aurais jamais l'occasion d'y assister de nouveau. Le bruit de la ruche qui gronde quand le voisin l'enfumait, ou les quantités d'abeilles qui tournoyaient autour de nous, pour faire le tour de la maison et aller secourir leurs congénères de l'autre côté (car une abeille n'abandonne jamais sa reine), toutes ces sensations sont autant de choses que je ne regrette pas d'avoir vues cet après-midi.
Pour finir je citerais le Mathieu, à qui je demandais - à l'heure où tout le monde ne jure que par la nature, le bio et la sauvegarde de notre environnement - si lui, si près des abeilles, constatait qu'en effet il y avait urgence, et que les abeilles disparaissaient bel et bien. Sa réponse est pleine de bon sens et de simplicité : " Entre les pesticides et Tchernobyl, on ne me fera pas dire qu'il y a pas quelque chose qui va pas".
Même s'il ne me lit certainement pas, je remercie le Mathieu d'avoir été si gentil avec nous, sous ses airs de nounours d'avoir pris le temps de nous expliquer en long et en large tout ce qu'il faisait et d'avoir répondu à mes nombreuses questions. Un ours peut-être, mais gourmand de miel.